80 km/h: le délégué à la sécurité routière épinglé
Page 1 sur 1
80 km/h: le délégué à la sécurité routière épinglé
Le 80 km/h remis en cause au Sénat : Emmanuel Barbe, le délégué interministériel à la Sécurité routière, auditionné.
Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, a été auditionné par les sénateurs ce 24 janvier 2018. Décryptage de la séance...
L'ambiance était plutôt tendue ce 24 janvier 2018 dans les couloirs du Sénat. Alors que M. Gérard Larcher, le président du Sénat, s'était lui-même interrogé sur le bien-fondé de la future limitation à 80 km/h, le délégué interministériel à la Sécurité routière a été convié à se présenter au Sénat devant le président de la commission des lois. https://news.autoplus.fr/80-kmh-Limitation-de-Vitesse-Senat-Gouvernement-Securite-Routiere-1523623.html
La question
A la barre M. Emmanuel Barbe, face à lui une cinquantaine de sénateurs très en colère, et bien décidés à recevoir des éclaircissements. M. Philippe Bas, président de la Commission des lois, ouvre la séance en ces termes :
"Nous avons demandé à M. Barbe de venir s'expliquer sur la décision gouvernementale et en particulier sur l'interdiction de circuler à plus de 80 km/h sur les départementales ; le souci de sécurité routière n'autorise pas à accepter des décisions nouvelles sans inventaires, l'évaluation des résultats qui a été faite mérite d'être très sérieusement étayée. Les expérimentations, très modestes, qui ont été effectuées n'ont pas donné lieu à la publication de leurs résultats ! Sans doute n'étaient-elles pas suffisamment significatives... "
Une question claire, nette et précise, qui réclamait une réponse du même ordre. Pas gagné...
La dérobade
C'est donc sous un coup de massue bien asséné que le délégué s'est ouvert sur le contenu du tout dernier CISR (Comité interministériel de sécurité routière), en arguant de la portée et des bienfaits envisageables des 18 nouvelles mesures. Comme à la parade et avec une application non dissimulée, M. Barbe s'est alors longuement étendu sur les raisons de ne pas téléphoner au volant, sur la nécessité de ne pas boire au volant, sur l'évidente obligation du bien conduire avant de déclarer souhaiter revenir "très rapidement" sur l'affaire du 80 km/h.
Et comme à son habitude de déclarer tout de go : "La vitesse est le seul facteur causal d'accident : sans vitesse pas d'accident, c'est une évidence.... " Ce qui ne manqua de déclencher une hilarité teintée d'indignation dans l'Hémicycle, vite stoppée par le cinglant rappel de M. Bas : "Messieurs, nous allons laisser à M. Barbe toutes les chances de nous convaincre."
Les coups de bâtons
Peu à son avantage, le délégué échaudé n'hésita pas à prévenir : "J'ai le cuir dur et je suis habitué aux débats difficiles." Il n'en fallait pas moins, tant les plaidoiries des différents sénateurs furent particulièrement tranchantes. Chaque prise de parole des sénateurs poussant M. Barbe dans ses derniers retranchements. Quelques flèches parmi d'autres relevées durant cette audition de près de 2 heures :
"Cette mesure est une mesure faite sans analyse scientifique, sans réelle évaluation, et sans même que les expérimentations menées soient correctement analysées. Si les Français s'imaginent qu'en allant moins vite ils participeront à une circulation plus sûre, vous leur aurez menti !"
"Sachez que dans ma circonscription, les brigades et pelotons des forces de l'ordre ne sont pas en adéquation avec ce que vous dites sur la généralisation de la limitation. Ils sont plutôt pour des limitations sectorielles en fonction des situations."
"Il y avait trois expérimentations : le fait qu'elles ne sont pas allées au bout et le fait que les analyses ne soient pas plus fouillées laisse apparaître une certaine approximation dans la décision d'imposer cette mesure."
L'aveu
Droit dans la tourmente, le représentant de la sécurité routière encaissera les coups sans broncher, et surtout sans perdre sa ligne de conduite visant à soutenir coûte que coûte une expérimentation bâclée (voir Auto Plus n°1504). Pourtant, la cuirasse se fend soudain, lorsque le bilan de l'expérimentation devient LE sujet incontournable.
M. Barbe, embarrassé : "En matière d'accidentologie, une étude sur deux ans n'a pas de pertinence... L'objet de celle-ci était : est-ce que baisser la vitesse maxi fait baisser la vitesse moyenne ? Oui ! Est-ce qu'elle fait baisser l'accidentalité ? Bah ...heu... ici apparemment oui, mais, heu, c'est trop court, il y a un effet statistique qui n'est pas crédible... et ..." Un aveu d'incapacité qui ne manque pas d'agacer le président de la commission : "Monsieur le délégué, vous pouvez nous dire cela, mais vous ne pouvez pas nous cacher l'étude !" Chose promise, chose due, le délégué s'est, enfin, engagé à fournir tous les éléments de cette expérimentation menée sur trois routes nationales (RN57, RN7, RN 151) pendant deux années.
Et les suites...
Le haut scénario de l'expérimentation scientifique venait de s'aplatir comme un soufflé froid. Il ne s'agissait donc là que de s'assurer qu'en baissant la limitation de vitesse, les automobilistes allaient ralentir. La belle affaire... Le nombre d'accidents importait peu, l'essentiel étant de faire lever le pied aux conducteurs, point à ligne. Ralentir, oui mais jusqu'où, interpelle alors le sénateur de la Haute-Saône, Michel Raison : "350 vies épargnées à 80 km/h, mais combien alors à 60 km/h ? à 50 km/h ? Et pour finir en interdisant la voiture, même s'il restait hélas des accidents de chevaux ou de bicyclette..."
Fin de l'audience, mais les sénateurs en colère n'ont pas encore dit leur dernier mot. Un groupe de travail de sénateurs du Rhône, de la Haute-Saône et du Finistère, (Mme Vullien, M. Raison, M. Fichet) est désormais en charge de démêler le vrai du faux dans le bilan de cette invraisemblable expérimentation fantôme.
Cependant, si ce groupe de sénateurs frondeurs ne parvient pas à se faire entendre dans les mois qui suivent, la décision d'abaisser la limitation de vitesse en France sera actée par décret dès le 1er juillet, comme l'a décidé le premier ministre, Edouard Philippe.
Image : E.Boulière / Auto Plus
https://news.autoplus.fr/80-kmh-Limitation-de-vitesse-Senat-Securite-routiere-Emmanuel-Barbe-1523979.html#utm_term=Autofeed&utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook&link_time=1516816105
Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, a été auditionné par les sénateurs ce 24 janvier 2018. Décryptage de la séance...
L'ambiance était plutôt tendue ce 24 janvier 2018 dans les couloirs du Sénat. Alors que M. Gérard Larcher, le président du Sénat, s'était lui-même interrogé sur le bien-fondé de la future limitation à 80 km/h, le délégué interministériel à la Sécurité routière a été convié à se présenter au Sénat devant le président de la commission des lois. https://news.autoplus.fr/80-kmh-Limitation-de-Vitesse-Senat-Gouvernement-Securite-Routiere-1523623.html
La question
A la barre M. Emmanuel Barbe, face à lui une cinquantaine de sénateurs très en colère, et bien décidés à recevoir des éclaircissements. M. Philippe Bas, président de la Commission des lois, ouvre la séance en ces termes :
"Nous avons demandé à M. Barbe de venir s'expliquer sur la décision gouvernementale et en particulier sur l'interdiction de circuler à plus de 80 km/h sur les départementales ; le souci de sécurité routière n'autorise pas à accepter des décisions nouvelles sans inventaires, l'évaluation des résultats qui a été faite mérite d'être très sérieusement étayée. Les expérimentations, très modestes, qui ont été effectuées n'ont pas donné lieu à la publication de leurs résultats ! Sans doute n'étaient-elles pas suffisamment significatives... "
Une question claire, nette et précise, qui réclamait une réponse du même ordre. Pas gagné...
La dérobade
C'est donc sous un coup de massue bien asséné que le délégué s'est ouvert sur le contenu du tout dernier CISR (Comité interministériel de sécurité routière), en arguant de la portée et des bienfaits envisageables des 18 nouvelles mesures. Comme à la parade et avec une application non dissimulée, M. Barbe s'est alors longuement étendu sur les raisons de ne pas téléphoner au volant, sur la nécessité de ne pas boire au volant, sur l'évidente obligation du bien conduire avant de déclarer souhaiter revenir "très rapidement" sur l'affaire du 80 km/h.
Et comme à son habitude de déclarer tout de go : "La vitesse est le seul facteur causal d'accident : sans vitesse pas d'accident, c'est une évidence.... " Ce qui ne manqua de déclencher une hilarité teintée d'indignation dans l'Hémicycle, vite stoppée par le cinglant rappel de M. Bas : "Messieurs, nous allons laisser à M. Barbe toutes les chances de nous convaincre."
Les coups de bâtons
Peu à son avantage, le délégué échaudé n'hésita pas à prévenir : "J'ai le cuir dur et je suis habitué aux débats difficiles." Il n'en fallait pas moins, tant les plaidoiries des différents sénateurs furent particulièrement tranchantes. Chaque prise de parole des sénateurs poussant M. Barbe dans ses derniers retranchements. Quelques flèches parmi d'autres relevées durant cette audition de près de 2 heures :
"Cette mesure est une mesure faite sans analyse scientifique, sans réelle évaluation, et sans même que les expérimentations menées soient correctement analysées. Si les Français s'imaginent qu'en allant moins vite ils participeront à une circulation plus sûre, vous leur aurez menti !"
"Sachez que dans ma circonscription, les brigades et pelotons des forces de l'ordre ne sont pas en adéquation avec ce que vous dites sur la généralisation de la limitation. Ils sont plutôt pour des limitations sectorielles en fonction des situations."
"Il y avait trois expérimentations : le fait qu'elles ne sont pas allées au bout et le fait que les analyses ne soient pas plus fouillées laisse apparaître une certaine approximation dans la décision d'imposer cette mesure."
L'aveu
Droit dans la tourmente, le représentant de la sécurité routière encaissera les coups sans broncher, et surtout sans perdre sa ligne de conduite visant à soutenir coûte que coûte une expérimentation bâclée (voir Auto Plus n°1504). Pourtant, la cuirasse se fend soudain, lorsque le bilan de l'expérimentation devient LE sujet incontournable.
M. Barbe, embarrassé : "En matière d'accidentologie, une étude sur deux ans n'a pas de pertinence... L'objet de celle-ci était : est-ce que baisser la vitesse maxi fait baisser la vitesse moyenne ? Oui ! Est-ce qu'elle fait baisser l'accidentalité ? Bah ...heu... ici apparemment oui, mais, heu, c'est trop court, il y a un effet statistique qui n'est pas crédible... et ..." Un aveu d'incapacité qui ne manque pas d'agacer le président de la commission : "Monsieur le délégué, vous pouvez nous dire cela, mais vous ne pouvez pas nous cacher l'étude !" Chose promise, chose due, le délégué s'est, enfin, engagé à fournir tous les éléments de cette expérimentation menée sur trois routes nationales (RN57, RN7, RN 151) pendant deux années.
Et les suites...
Le haut scénario de l'expérimentation scientifique venait de s'aplatir comme un soufflé froid. Il ne s'agissait donc là que de s'assurer qu'en baissant la limitation de vitesse, les automobilistes allaient ralentir. La belle affaire... Le nombre d'accidents importait peu, l'essentiel étant de faire lever le pied aux conducteurs, point à ligne. Ralentir, oui mais jusqu'où, interpelle alors le sénateur de la Haute-Saône, Michel Raison : "350 vies épargnées à 80 km/h, mais combien alors à 60 km/h ? à 50 km/h ? Et pour finir en interdisant la voiture, même s'il restait hélas des accidents de chevaux ou de bicyclette..."
Fin de l'audience, mais les sénateurs en colère n'ont pas encore dit leur dernier mot. Un groupe de travail de sénateurs du Rhône, de la Haute-Saône et du Finistère, (Mme Vullien, M. Raison, M. Fichet) est désormais en charge de démêler le vrai du faux dans le bilan de cette invraisemblable expérimentation fantôme.
Cependant, si ce groupe de sénateurs frondeurs ne parvient pas à se faire entendre dans les mois qui suivent, la décision d'abaisser la limitation de vitesse en France sera actée par décret dès le 1er juillet, comme l'a décidé le premier ministre, Edouard Philippe.
Image : E.Boulière / Auto Plus
https://news.autoplus.fr/80-kmh-Limitation-de-vitesse-Senat-Securite-routiere-Emmanuel-Barbe-1523979.html#utm_term=Autofeed&utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook&link_time=1516816105
Sujets similaires
» « Depuis 40 ans on n’a pris aucune mesure pour protéger les motards », regrette le délégué Sécurité Routière
» Sécurité routière-Français conduisent plus mal au travail
» Contrôle technique : la sécurité routière s’énerve
» Sécurité routière. Des automobilistes dénoncent une "répression"
» Sécurité routière : une circulaire pour renforcer la répression
» Sécurité routière-Français conduisent plus mal au travail
» Contrôle technique : la sécurité routière s’énerve
» Sécurité routière. Des automobilistes dénoncent une "répression"
» Sécurité routière : une circulaire pour renforcer la répression
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum