LA SANDALETTE DE PLOUHA
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Série Mai 68. 1/La contestation en Bretagne

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Message par Admin Sam 5 Mai - 21:32

serge rogers

Série Mai 68. 1/La contestation en Bretagne Sans1288
CHT, cliché Jacky Péault

Loin de se contenter de suivre seulement les événements parisiens, l’Ouest de la France - et particulièrement la Bretagne - a connu une contestation marquée durant l’année 1968, avec ses revendications propres. Ce qui fait de la région un acteur à part entière de cette page d’histoire, dont on fête cette année les 50 ans.

Il est souvent admis que les prémisses des événements de mai 68 remontent au mouvement étudiant du 22 mars, avec l’occupation de la faculté de Nanterre en banlieue parisienne, débouchant le 3 mai sur les premières manifestations étudiantes et les premières émeutes dans le Quartier latin, trois jours plus tard. C’est oublier que le climat social dans son ensemble est déjà troublé dans les mois précédents en Bretagne : « Mai 68 ne se déroule pas uniquement à Paris », rappelle l’historien Christian Bougeard (*). « Si nous voulions être provocateurs, en raison d’une mobilisation sans précédent le 8 mai - des dizaines de milliers de personnes défilant sur des revendications propres dans les villes de l’Ouest et surtout en Bretagne -, nous pourrions prétendre que Mai 68 a commencé dans cette région d’autant plus que Sud-Aviation, la première usine occupée de France le 14 mai, se situe en banlieue de Nantes… » Sous le slogan « L’Ouest veut vivre », les rassemblements du 8 mai sont prévus depuis plusieurs mois et n’ont pas de lien direct avec la contestation étudiante, mais ont pour objectif de réclamer de meilleures conditions de vie.

Un contexte social compliqué


On retrouve dans les cortèges des étudiants, des ouvriers mais aussi des paysans. En apparence unis, ils manifestent pour défendre les salaires, la Sécurité sociale, les conditions de travail, un meilleur développement régional et dénoncent aussi la politique gouvernementale « inféodée aux intérêts du grand capital ». À l’époque, la Bretagne se sent à la marge de l’Hexagone, et ses habitants ont l’impression d’avoir été oubliés par le pouvoir centralisateur gaullien. En retard économiquement, la région demeure peu industrialisée et manque d’infrastructures publiques. Malgré la mise en place du Comité d’études et de liaison des intérêts bretons (Celib) en 1953, qui arrache une «loi de programme pour la Bretagne », le compte n’y est pas.

Certes, de grands projets comme la construction de l’usine marémotrice de la Rance, la centrale nucléaire de Brennilis ou la base navale de l’île Longue voient le jour dans la décennie 1960. Durant cette même période, l’industrie agro-alimentaire commence à s’installer dans l’Ouest. Mais cela ne compense pas la crise de l’industrie traditionnelle : licenciements dans les chantiers navals de l’Atlantique, fermetures des fonderies de Saint-Nazaire et d’Hennebont, concentration et disparition des usines de conserves dans le Finistère… À cela s’ajoute une profonde mutation du monde agricole. L’entrée dans le marché commun et la mise en place de la Politique agricole commune « contraignent les agriculteurs à être plus productifs ou à périr. Les lois d’orientations agricoles de 1960 et 1962 ne laissent guère le choix aux nombreux petits paysans bretons obligés de partir chercher du travail à la ville et de devenir ouvriers », explique Christian Bougeard. Quant aux jeunes diplômés, ils sont obligés de quitter la région faute de travail…
Des manifestations avant-coureuses

Dans les mois précédant mai 1968, on compte de nombreuses contestations, comme chez les paysans, à Redon en juin 1967 et à Quimper quatre mois plus tard, où le rassemblement se conclut en affrontements avec les forces de l’ordre et fait 279 blessés. Dans le monde ouvrier, le 26 janvier 1968 Fougères, en pleine crise de la chaussure, est déclarée ville morte…

Côté étudiants aussi, la gronde monte. « Dans une société fortement rajeunie, la génération nombreuse des baby-boomers qui a autour de 20 ans en 1968 se reconnaît de moins en moins dans le régime politique de la Ve République, fonctionnant de manière trop autoritaire… », précise l’historien. Nantes est à la pointe de la contestation. Le 18 décembre 1967, les étudiants occupent les Cités U et réclament la liberté sexuelle, avant d’être délogés par les CRS. À la mi-février, pour contester la baisse des bourses universitaires, une journée d’action dans les rues de Nantes débouche sur l’occupation du rectorat. Une délégation est reçue par le recteur Schmitt, à l’issue de laquelle les étudiants acceptent d’évacuer les lieux et de se disperser dans le calme. Mais le sous-préfet Jean-Émile Vié ordonne de matraquer et d’arrêter les meneurs. Une première barricade est érigée tandis que les jeunes sont poursuivis par la police dans les rues de cité des Ducs de Bretagne. « Les méthodes de répression policière qui vont se déployer dans le Quartier latin quelques semaines plus tard sont rodées à Nantes, note Christian Bougeard. Bon nombre d’étudiants sont choqués par cette violence policière, ce qui contribue à élargir et à souder un mouvement disparate qui reçoit l’appui des syndicats ouvriers et enseignants.


en complément

La convergence des luttes

« En pleine prospérité apparente […] un certain malaise social va s’exprimer de différentes manières, parfois lors de manifestations violentes de paysans, mais de plus en plus par la montée des grèves ouvrières et de formes nouvelles de contestation de l’ordre établi par les étudiants. La nouveauté réside sans doute dans une certaine convergence de ces luttes rendue possible par le rapprochement des syndicats ouvriers et paysans […] auxquels s’associent les étudiants de l’UNEF. Un sentiment largement partagé de retard de développement, voire d’abandon par l’État, rassemble bientôt dans la rue des forces aux intérêts divergents.

C’est la journée régionale d’action du 8 mai qui, dans une logique différente des événements parisiens, donne le coup d’envoi de mai 68 en Bretagne », explique Christian Bougeard. La répression des étudiants parisiens par la police va marquer une partie de l’opinion publique et entraîner un mouvement beaucoup plus vaste. Les facultés bretonnes sont occupées par les étudiants et, à partir du 13 mai, d’importantes manifestations se déroulent dans les grandes villes de la région. Si les cortèges défilent dans le calme, ce n’est pas le cas à Nantes, où la préfecture est prise d’assaut. Paniqué, le préfet demande l’autorisation de tirer sur la foule, ce qu’on lui refuse ! Le lendemain, les ouvriers de l’usine Sud-Aviation de Nantes occupent leur usine, lançant ainsi le mouvement de grève générale suivi dans le reste de l’Hexagone. Le 23 mai, on dénombre dans l’Ouest 353 usines en grèves dont 114 occupées, alors que 82 % des employés des entreprises du service public sont mobilisés. Le lendemain, les agriculteurs entrent dans la danse, à l’approche des négociations sur les prix agricoles à Bruxelles. Partout, une étrange atmosphère s’installe durant cette troisième semaine de mai. En Bretagne, les usines sont paralysées, les manifestations quotidiennes, certaines routes bloquées.

Le retour à la normale

Au milieu de l’agitation de mai, après que les leaders de la gauche se sont déclarés prêts à assumer le pouvoir, et alors que les accords de Grenelle sont négociés, le général de Gaulle « disparaît » pendant vingt-quatre heures et se rend en secret à Baden-Baden (Allemagne). À son retour le 30 mai, il réunit le Conseil des ministres, décide la dissolution de l’Assemblée nationale et s’adresse au pays par une allocution radiodiffusée. Cette allocution est prononcée à 16 heures 30, pour permettre à la manifestation organisée par la « majorité silencieuse » qui lui est favorable de se dérouler. En parallèle du rassemblement parisien, de nombreux cortèges de soutien à de Gaulle sont organisés en Bretagne le lendemain, où plus de 75 000 personnes manifestent dans la région. « Un basculement de l’opinion est en train de s’opérer. Jouant sur l’inquiétude et les peurs, les forces conservatrices osent s’exprimer, notamment dans le monde rural » note l’historien Christian Bougeard. Alors que la fin de la grève se fait en ordre dispersé, les législatives mettent un terme définitif aux contestations, la droite remportant l’élection à une large majorité…
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