UN TESTAMENT - Alphonse Allais (1854-1905)
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UN TESTAMENT - Alphonse Allais (1854-1905)
Tout dernièrement, un grand propriétaire foncier mourait dans une petite ville du centre, que je ne puis, à mon grand regret, désigner (l’espace m’étant mesuré, rigoureusement).
De son vivant, ce brave homme avait été un grand aimeur devant l’Éternel. Pas une fille, pas une femme du pays qui put se vanter d’avoir échappé à cet infatigable trousseur de jupes.
Sa générosité, ajoutons-le vite, égalait son ardeur, et cet homme qui possédait tant de lapins sur ses terres, ne s’en connaissait pas un sur la conscience.
Sa mort fut un deuil pour toute la région.
Dès qu’il fut trépassé, ses héritiers ouvrirent son testament et voici ce qu’ils lurent :
« Je ne veux être enterré ni incinéré.
» Quarante-huit heures après mon décès, qu’on mette mon corps dans une grande chaudière avec de l’eau et qu’on me fasse bouillir jusqu’à cuisson complète.
» La viande et le bouillon seront distribués à mes cochons.
» (Ayant, toute ma vie, vécu en cochon, il me sied de finir en cochon.)
» Quant à mon squelette, on lui fera subir le traitement employé dans l’industrie pour retirer le phosphore des os.
» Ce phosphore, divisé en petits morceaux, sera distribué dans de petites lampes analogues à celles qui, sempiternellement, brûlent devant les tabernacles.
» (J’ai tant éclairé, ma vie durant, que ce me serait cruelle privation de ne pas le faire encore un peu, après ma mort). »
Eh bien ! ce testament si sincère, si logique n’a pu être mis à exécution, l’Autorité s’y étant formellement opposée.
En quoi, je vous le demande, cela aurait-il gêné l’Autorité qu’un grand propriétaire foncier du centre de la France fût bouilli au lieu d’être crémé ?
Et puis, de quoi vient-elle se mêler l’Autorité ?
FIN
https://www.facebook.com/photo?fbid=10218650065978894&set=pcb.1906700296161167
De son vivant, ce brave homme avait été un grand aimeur devant l’Éternel. Pas une fille, pas une femme du pays qui put se vanter d’avoir échappé à cet infatigable trousseur de jupes.
Sa générosité, ajoutons-le vite, égalait son ardeur, et cet homme qui possédait tant de lapins sur ses terres, ne s’en connaissait pas un sur la conscience.
Sa mort fut un deuil pour toute la région.
Dès qu’il fut trépassé, ses héritiers ouvrirent son testament et voici ce qu’ils lurent :
« Je ne veux être enterré ni incinéré.
» Quarante-huit heures après mon décès, qu’on mette mon corps dans une grande chaudière avec de l’eau et qu’on me fasse bouillir jusqu’à cuisson complète.
» La viande et le bouillon seront distribués à mes cochons.
» (Ayant, toute ma vie, vécu en cochon, il me sied de finir en cochon.)
» Quant à mon squelette, on lui fera subir le traitement employé dans l’industrie pour retirer le phosphore des os.
» Ce phosphore, divisé en petits morceaux, sera distribué dans de petites lampes analogues à celles qui, sempiternellement, brûlent devant les tabernacles.
» (J’ai tant éclairé, ma vie durant, que ce me serait cruelle privation de ne pas le faire encore un peu, après ma mort). »
Eh bien ! ce testament si sincère, si logique n’a pu être mis à exécution, l’Autorité s’y étant formellement opposée.
En quoi, je vous le demande, cela aurait-il gêné l’Autorité qu’un grand propriétaire foncier du centre de la France fût bouilli au lieu d’être crémé ?
Et puis, de quoi vient-elle se mêler l’Autorité ?
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