Mais qui étaient Goncourt et Renaudot, qui ont donné leurs noms aux plus célèbres prix littéraires ?
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Mais qui étaient Goncourt et Renaudot, qui ont donné leurs noms aux plus célèbres prix littéraires ?
Edmond (à gauche) et Jules (à droite) de Goncourt, photographiés par Félix Nadar. (Photo : Félix Nadar / Commons Wikimédia)
Correspondance, Nicolas MONTARD
L’écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr a reçu ce mercredi 3 novembre 2021 le prix Goncourt, avec La plus secrète mémoire des hommes, et la Belge Amélie Nothomb le prix Renaudot pour Premier sang. Ce sont les deux prix littéraires français les plus célèbres. Mais que connaît-on de la vie de ceux qui ont donné leurs noms à ces récompenses prisées ?
Un Goncourt peut en cacher un autre. Car des Goncourt, au XIXe siècle, en fait, il y en avait deux. Ils étaient même inséparables jusqu’à la mort du cadet, Jules, à 39 ans, en 1870. Edmond et Jules sont respectivement nés en 1822 et 1830. Issus de la bourgeoisie lorraine, ils portent le nom de Goncourt car leur arrière-grand-père a acquis une maison liée à la seigneurie de Goncourt. La commune existe toujours en Haute-Marne, dans la nouvelle entité de Bourmont-entre-Meuse-et-Mouzon.
Deux frères qui écrivent à quatre mains
Avec leurs rentes, les deux frères, qui se rêvaient peintres, se lancent dans la littérature et la brocante en 1848, l’année de la mort de leur mère. Infatigables collectionneurs (d’arts décoratifs du XVIIIe, d’art asiatique, de japonisme), ils sont aussi écrivains, avec cette spécificité d’écrire à quatre mains. Ils produisent beaucoup, dans un style bien à eux, dit « artiste », où la phrase s’étend longuement, où les descriptions de la lune prennent plusieurs pages… Ils inventent des mots : « chutement » pour chute n’aura pas un grand succès, mais quelques mots sont tout de même restés dans notre langue : « foultitude », « américanisation », « scatologique », « talentueux »…
Le succès n’est pas tout à fait au rendez-vous. L’une de leurs seules véritables réussites reste leur Journal, écrit de 1851 à 1895. L’ouvrage est une sorte d’histoire du présent, de retranscription en direct de la société de leur temps. Les deux frères d’abord, puis Edmond seul ensuite, y narrent leur quotidien (menus de restaurants, maux de santé), mais aussi des anecdotes, réalisent des portraits des gens de leur temps.
Des langues de vipère, misogynes et antisémites
Des portraits remplis de vacheries ! Car ces deux frères Goncourt, qui fréquentent le Paris mondain et littéraire (Zola, Flaubert), ne sont guère sympathiques. Vaniteux, misogynes et antisémites, ils sont de vraies langues de vipère… Pierre Ménard, qui leur a consacré une biographie – Les infréquentables frères Goncourt, tout un programme ! (Éditions Tallandier) – rapporte qu’ils comparent ainsi Baudelaire à un « saint Vincent de Paul des croûtes trouvées, une mouche à merde en fait d’art » ou George Sand à « un sphinx ruminant une vache Apis », « une nullité de génie »… Les femmes sont d’ailleurs un « alambic à urine et à merde » pour les frangins qui ne se marieront jamais et iront jusqu’à partager… la même maîtresse.
Et le prix Goncourt dans tout ça ? On le doit à Edmond, le frère survivant, qui laisse à sa mort en 1896, d’importants fonds issus de la vente de sa collection artistique, destinés à créer l’Académie Goncourt, qui aidera les jeunes écrivains désargentés. Le premier prix Goncourt sera ainsi attribué en 1903.
Renaudot, proche de Richelieu et créateur de la Gazette
Théophraste Renaudot, lui, n’a eu aucune influence directe sur la création de son prix. Logique, il est né 340 années avant la récompense qui porte son nom ! Originaire de Loudun (Vienne), d’abord médecin, il réussit à entrer au conseil de Richelieu et crée un « bureau d’adresse », soit une sorte de guichet où il fait correspondre offres et demandes d’emploi… Il crée même un journal d’annonces, La feuille du bureau d’adresse.
Théophraste Renaudot, bien avant la création du prix qui porte son nom. (Illustration : Recueil des Gazettes de l’année 1631 via Gallica (sur Commons Wikimédia))
Mais c’est une autre publication qui restera dans les annales. En 1631, Renaudot lance sa Gazette, aujourd’hui qualifiée comme l’un des premiers journaux de presse écrite en France. L’objectivité n’était pas toujours au rendez-vous de cet hebdomadaire de quatre pages puisque Richelieu en fit un instrument de sa propagande et l’État lui accorda un monopole. Le journal devait parler « du bruit qui court sur les choses advenues ».
Si Renaudot meurt en 1653 à 67 ans, sa Gazette lui survivra très longtemps : le titre disparaît seulement en 1915 ! Tout comme les monts-de-piété – devenus crédits municipaux aujourd’hui – qu’il importe d’Italie en cette première partie du XVIIe siècle.
Le nom de Renaudot est revenu au goût du jour en 1926. À l’époque, les délibérations du prix Goncourt pouvaient durer des heures. Les journalistes, qui attendaient le résultat en déjeunant, lancèrent sous le ton de la boutade, l’idée de décerner une autre récompense. « Un prix de journalistes auquel nous donnerions le nom de Théophraste Renaudot, le premier journaliste », rapporte Georges Charensol dans D’une rive à l’autre (Mercure de France, 1973). Nous étions en 1925 et un an plus tard, les journalistes récompensaient Armand Lunel pour Nicolo Peccavi ou l’Affaire Dreyfus à Carpentras
ouest france
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