Série. 1. Saint Patern, le moine pacificateur
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Série. 1. Saint Patern, le moine pacificateur
Série. 1. Saint Patern, le moine pacificateur
Considéré comme le premier évêque de Vannes, Patern ouvre notre série de l’été sur les sept saints fondateurs de la Bretagne. Cependant, derrière les nombreuses légendes véhiculées par le folklore local au cours des siècles, il existe peu d’éléments historiques permettant de retracer avec certitude la vie de ce saint d’Armorique…
Dans le cas de saint Patern, comme c’est le cas pour la majorité des saints bretons, il est souvent difficile de démêler la légende de la véritable histoire de ce personnage. Il serait né au cours du Ve siècle en Armorique, de parents issus de la noblesse de l’époque. « Son père Pétran et sa mère Guéan se séparèrent d’un commun accord pour consacrer le reste de leurs jours au service de Dieu. Guéan demeura en Armorique pour élever son fils. Pétran passa en Irlande où il embrassa la vie monastique », raconte l’hagiographie intitulée « Vita Peterni », rédigée au XIe siècle, soit plus de 500 ans après la mort du saint. Suivant l’exemple paternel, Patern aurait pris l’habit au monastère de Rhuys, avant de rejoindre la Grande-Bretagne, où il fonde plusieurs abbayes, puis l’Irlande, où il aurait converti des rois locaux et ressuscité l’un de ses serviteurs. On lui prête également des rencontres avec plusieurs membres de la Table ronde, les légendaires Arthur et Caradoc. On le retrouve ensuite sur les routes de Jérusalem, où un ange l’invite à se rendre pour qu’il y soit nommé évêque. C’est à son retour qu’il aurait fondé son évêché, au sud de la péninsule armoricaine, en territoire vénète.
Invoqué pour faire tomber la pluie
C’est à ce titre qu’il aurait participé à la rencontre entre les sept saints fondateurs des diocèses de Bretagne, où il se lie d’amitié avec son voisin, saint Samson de Dol. Pourtant, pour des raisons obscures, forcé de fuir son évêché face à la vindicte populaire, il se serait réfugié dans un ermitage en territoire franc où il serait mort dans l’oubli, un 15 avril, vers 510. « Après la mort de Patern, tout le Lydau fut affligé, trois ans durant, d’une sécheresse et d’une famine où il fallut bien reconnaître le châtiment des injures et des intrigues dirigées contre le saint… », poursuit l’hagiographie médiévale. Le retour de son corps et la construction d’une église dédiée au saint, sur la colline de Boismoreau (l’actuel quartier Saint-Patern), auraient permis de remédier à ce fléau. Depuis, on continue de l’invoquer lorsque la pluie tarde à venir…
Le mélange de trois personnages
Rédigée au cours du XIe siècle, l’hagiographie de saint Patern mêle à la vie du Vannetais celles de deux autres saints, ayant le même nom et ayant vécu à peu près à la même époque : saint Padarn le Gallois et saint Patern d’Avranches.
Une confusion qui s’explique, selon l’historien du XIXe siècle Arthur de La Borderie : « La légende de saint Patern n’a été écrite qu’au XIe siècle. Or, au siècle précédent, une nombreuse émigration de Bretons armoricains, chassés d’Armorique par l’invasion et l’occupation normande, s’était réfugiée en Grande-Bretagne […]. Dans cette émigration beaucoup de clercs et de moines, apportant avec eux les histoires, les légendes de leurs saints bretons armoricains, vantant hautement leur gloire, leurs vertus. Entre ces saints, le fondateur du siège de Vannes, saint Patern l’Armoricain, ne pouvait être oublié. En entendant ce nom, ces louanges, que durent penser les dévots du saint Patern ou Padarn gallois […] ? L’identité de nom dut les convaincre qu’il s’agissait du même personnage, et ils ne purent manquer d’accueillir, de recueillir pieusement ce supplément d’illustration qui venait d’outre-mer accroître la gloire de leur saint patron.»
Preuves historiques
La tradition le fait également mourir hors de Vannes, afin de lier sa légende au personnage de saint Patern d’Avranches, comme l’explique aussi La Borderie. Selon lui, les seuls documents historiques que l’on peut rattacher au Breton sont les actes du concile à Vannes, vers 465. Cette réunion rassemble, sous la présidence du métropolite Perpetuus, six évêques de la province de Tours, afin de désigner Patern comme responsable de ce territoire. Son arrivée coïncide avec la vague d’émigration britannique, puis les conquêtes franques.
Dès le début de son ministère, il doit gérer des conflits opposant les partisans d’un christianisme local de tradition celte et les partisans d’un christianisme davantage gallo-romain. « Il amena les émigrés bretons à reconnaître son autorité spirituelle, et sut persuader les indigènes de se fondre pacifiquement avec les Bretons en une même nation, sous un même chef, dans toute la partie du pays de Vannes située à l’ouest de la ville. Dans l’autre partie de son diocèse restée gallo-romaine, c’est lui aussi qui, vingt ans plus tard, sut ménager l’accord pacifique conclu entre sa cité et les Francs de Clovis », conclut l’historien. Cela explique en partie la frontière linguistique entre le breton et le gallo dans le Morbihan…
Pour en savoir plus
« Saint Patern, premier évêque de Vannes : sa légende, son histoire », Arthur de La Borderie, éditions Lafolye, 1892.
« Le peuplement de l’Armorique : Cornouaille et Domnonée de part et d’autre de la Manche aux premiers siècles du Moyen-Âge » de Magali Coumert, dans « Histoires des Bretagnes. 1. Les mythes fondateurs », éditions CRBC/UBO - 2010.
Les saints bretons : une majorité de Britanniques
Patern, tout comme Corentin, fait office d’exception dans la liste des saints bretons. Parmi les quelque 900 personnages référencés, la majorité d’entre eux est originaire des îles britanniques, suivant une vague d’émigration de ces peuples britons originaires pour la plupart de Cornouailles (ouest de la grande île), au cours du Ve siècle. Des populations dont on ignore quasiment tout, comme l’explique Magali Coumert, maître de conférences en histoire médiévale à la faculté de Bretagne occidentale : « Ce qui est très frappant par rapport à ce phénomène, c’est que les contemporains continentaux de ces populations n’ont pas vu cette émigration. En tant qu’historien, on en constate seulement les conséquences, et c’est dans la deuxième moitié du VIe siècle que l’on est sûr que des Britons se sont installés de façon autonome sur le continent ».
C’est à cette période en effet qu’on trouve pour la première fois mentionnée la « Britannia continentale » sur la péninsule armoricaine, peuplée de Britons continentaux. « En revanche pour les siècles précédents, nous n’avons aucune source textuelle, poursuit l’historienne. Personne ne décrit un phénomène de masse, il y a bien des individus qui se déplacent, mais c’est tout à fait normal dans ce contexte de l’Empire romain (dont fait partie la Grande-Bretagne jusqu’au Ve siècle) : les gens circulent entre le continent et les îles. Mais les seuls groupes mentionnés sont des militaires, et ils ne s’arrêtent pas en Bretagne ! » Si cette émigration a bien lieu, on ignore totalement le nombre d’individus qui viennent s’établir dans la péninsule armoricaine. « Ils ne sont pas forcément très nombreux, mais ce sont des personnes puissantes qui se déplacent et arrivent par la suite à construire des entités politiques », précise Magali Coumert. Peut-être des militaires ou des aristocrates, mais aussi des religieux, qui viennent fonder des monastères en territoire breton.
LE TELEGRAMME 18.07.2018
Considéré comme le premier évêque de Vannes, Patern ouvre notre série de l’été sur les sept saints fondateurs de la Bretagne. Cependant, derrière les nombreuses légendes véhiculées par le folklore local au cours des siècles, il existe peu d’éléments historiques permettant de retracer avec certitude la vie de ce saint d’Armorique…
Dans le cas de saint Patern, comme c’est le cas pour la majorité des saints bretons, il est souvent difficile de démêler la légende de la véritable histoire de ce personnage. Il serait né au cours du Ve siècle en Armorique, de parents issus de la noblesse de l’époque. « Son père Pétran et sa mère Guéan se séparèrent d’un commun accord pour consacrer le reste de leurs jours au service de Dieu. Guéan demeura en Armorique pour élever son fils. Pétran passa en Irlande où il embrassa la vie monastique », raconte l’hagiographie intitulée « Vita Peterni », rédigée au XIe siècle, soit plus de 500 ans après la mort du saint. Suivant l’exemple paternel, Patern aurait pris l’habit au monastère de Rhuys, avant de rejoindre la Grande-Bretagne, où il fonde plusieurs abbayes, puis l’Irlande, où il aurait converti des rois locaux et ressuscité l’un de ses serviteurs. On lui prête également des rencontres avec plusieurs membres de la Table ronde, les légendaires Arthur et Caradoc. On le retrouve ensuite sur les routes de Jérusalem, où un ange l’invite à se rendre pour qu’il y soit nommé évêque. C’est à son retour qu’il aurait fondé son évêché, au sud de la péninsule armoricaine, en territoire vénète.
Invoqué pour faire tomber la pluie
C’est à ce titre qu’il aurait participé à la rencontre entre les sept saints fondateurs des diocèses de Bretagne, où il se lie d’amitié avec son voisin, saint Samson de Dol. Pourtant, pour des raisons obscures, forcé de fuir son évêché face à la vindicte populaire, il se serait réfugié dans un ermitage en territoire franc où il serait mort dans l’oubli, un 15 avril, vers 510. « Après la mort de Patern, tout le Lydau fut affligé, trois ans durant, d’une sécheresse et d’une famine où il fallut bien reconnaître le châtiment des injures et des intrigues dirigées contre le saint… », poursuit l’hagiographie médiévale. Le retour de son corps et la construction d’une église dédiée au saint, sur la colline de Boismoreau (l’actuel quartier Saint-Patern), auraient permis de remédier à ce fléau. Depuis, on continue de l’invoquer lorsque la pluie tarde à venir…
Le mélange de trois personnages
Rédigée au cours du XIe siècle, l’hagiographie de saint Patern mêle à la vie du Vannetais celles de deux autres saints, ayant le même nom et ayant vécu à peu près à la même époque : saint Padarn le Gallois et saint Patern d’Avranches.
Une confusion qui s’explique, selon l’historien du XIXe siècle Arthur de La Borderie : « La légende de saint Patern n’a été écrite qu’au XIe siècle. Or, au siècle précédent, une nombreuse émigration de Bretons armoricains, chassés d’Armorique par l’invasion et l’occupation normande, s’était réfugiée en Grande-Bretagne […]. Dans cette émigration beaucoup de clercs et de moines, apportant avec eux les histoires, les légendes de leurs saints bretons armoricains, vantant hautement leur gloire, leurs vertus. Entre ces saints, le fondateur du siège de Vannes, saint Patern l’Armoricain, ne pouvait être oublié. En entendant ce nom, ces louanges, que durent penser les dévots du saint Patern ou Padarn gallois […] ? L’identité de nom dut les convaincre qu’il s’agissait du même personnage, et ils ne purent manquer d’accueillir, de recueillir pieusement ce supplément d’illustration qui venait d’outre-mer accroître la gloire de leur saint patron.»
Preuves historiques
La tradition le fait également mourir hors de Vannes, afin de lier sa légende au personnage de saint Patern d’Avranches, comme l’explique aussi La Borderie. Selon lui, les seuls documents historiques que l’on peut rattacher au Breton sont les actes du concile à Vannes, vers 465. Cette réunion rassemble, sous la présidence du métropolite Perpetuus, six évêques de la province de Tours, afin de désigner Patern comme responsable de ce territoire. Son arrivée coïncide avec la vague d’émigration britannique, puis les conquêtes franques.
Dès le début de son ministère, il doit gérer des conflits opposant les partisans d’un christianisme local de tradition celte et les partisans d’un christianisme davantage gallo-romain. « Il amena les émigrés bretons à reconnaître son autorité spirituelle, et sut persuader les indigènes de se fondre pacifiquement avec les Bretons en une même nation, sous un même chef, dans toute la partie du pays de Vannes située à l’ouest de la ville. Dans l’autre partie de son diocèse restée gallo-romaine, c’est lui aussi qui, vingt ans plus tard, sut ménager l’accord pacifique conclu entre sa cité et les Francs de Clovis », conclut l’historien. Cela explique en partie la frontière linguistique entre le breton et le gallo dans le Morbihan…
Pour en savoir plus
« Saint Patern, premier évêque de Vannes : sa légende, son histoire », Arthur de La Borderie, éditions Lafolye, 1892.
« Le peuplement de l’Armorique : Cornouaille et Domnonée de part et d’autre de la Manche aux premiers siècles du Moyen-Âge » de Magali Coumert, dans « Histoires des Bretagnes. 1. Les mythes fondateurs », éditions CRBC/UBO - 2010.
Les saints bretons : une majorité de Britanniques
Patern, tout comme Corentin, fait office d’exception dans la liste des saints bretons. Parmi les quelque 900 personnages référencés, la majorité d’entre eux est originaire des îles britanniques, suivant une vague d’émigration de ces peuples britons originaires pour la plupart de Cornouailles (ouest de la grande île), au cours du Ve siècle. Des populations dont on ignore quasiment tout, comme l’explique Magali Coumert, maître de conférences en histoire médiévale à la faculté de Bretagne occidentale : « Ce qui est très frappant par rapport à ce phénomène, c’est que les contemporains continentaux de ces populations n’ont pas vu cette émigration. En tant qu’historien, on en constate seulement les conséquences, et c’est dans la deuxième moitié du VIe siècle que l’on est sûr que des Britons se sont installés de façon autonome sur le continent ».
C’est à cette période en effet qu’on trouve pour la première fois mentionnée la « Britannia continentale » sur la péninsule armoricaine, peuplée de Britons continentaux. « En revanche pour les siècles précédents, nous n’avons aucune source textuelle, poursuit l’historienne. Personne ne décrit un phénomène de masse, il y a bien des individus qui se déplacent, mais c’est tout à fait normal dans ce contexte de l’Empire romain (dont fait partie la Grande-Bretagne jusqu’au Ve siècle) : les gens circulent entre le continent et les îles. Mais les seuls groupes mentionnés sont des militaires, et ils ne s’arrêtent pas en Bretagne ! » Si cette émigration a bien lieu, on ignore totalement le nombre d’individus qui viennent s’établir dans la péninsule armoricaine. « Ils ne sont pas forcément très nombreux, mais ce sont des personnes puissantes qui se déplacent et arrivent par la suite à construire des entités politiques », précise Magali Coumert. Peut-être des militaires ou des aristocrates, mais aussi des religieux, qui viennent fonder des monastères en territoire breton.
LE TELEGRAMME 18.07.2018
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