L’épave Stella-Maris de Binic livre ses secrets 133 ans après son naufrage en Vendée

Par Emmanuelle METIVIER

133 ans après son naufrage en Vendée, le deux-mâts Stella-Maris ravive le passé maritime de Binic (Côtes-d’Armor). Entre Les Sables-d’Olonne et le Goëlo, les recherches menées sur l’histoire de cette épave pourraient aboutir à une exposition l’été prochain.

Le 7 septembre 1887, le Stella-Maris, un brick goélette de Binic, fait naufrage devant Les Sables-d’Olonne (Vendée). Parti de Boulogne, le bateau de 111 tonneaux se rendait à La Rochelle chargé de 180 tonnes de ciment. En pleine tempête et en panne de gouvernail, il est drossé contre les rochers en face du bourg de la Chaume. Le deux-mâts sombre avec sa cargaison. Les six marins qui composent l’équipage, tous originaires du Goëlo, sont sauvés.

Le 2 juillet 2018, soit 131 ans plus tard, l’épave du Stella-Maris est officiellement découverte.https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/les-sables-dolonne-85100/l-epave-du-stella-maris-fait-partie-du-patrimoine-5902621 Elle gît par 4 m, à 200 m de la côte. C’est l’Association Vendéenne Vidéo Archéologie Subaquatique (AVVAS) https://www.facebook.com/AVVAS-larch%C3%A9ologie-sous-marine-vend%C3%A9enne-579032555604634/ qui a mené la campagne de recherches, à l’initiative de son vice-président, Michel Vrignaud. Dans les années 1980, des plongées avaient déjà permis de repérer des sacs de ciment sur le fond.


L’épave du Stella-Maris apparaît comme un tumulus constitué de sacs de ciment solidifiés. (Photo : AVVS)

L’épave n’a pas été pillée à l’issue du naufrage

Des morceaux de verrerie et un sceau de plomb sont retrouvés sur le sable. Modeste trésor, mais c’est son potentiel patrimonial et historique qui fait la valeur de la découverte.

« Sur nos côtes, les éléments en bois des épaves sont dans la plupart des cas inexistants, car détruits par les tempêtes ou les tarets, constate Yves Roy, le découvreur officiel, membre de l’AVVAS. L’épave du Stella-Maris présente des éléments de coque significatifs. Il reste à découvrir de beaux assemblages d’architecture navale protégés sous le sarcophage de sacs de ciment. Il reste à découvrir de beaux assemblages d’architecture navale. De plus, comme l’épave n’a pas été « pillée » à l’issue du naufrage, on peut espérer y retrouver des objets de la vie quotidienne. »

Des morceaux de verrerie et un sceau de plomb sont retrouvés sur le sable. (Poto : AVVS)

Quatre marins de Binic, un de Plouha, un de Quemper-Guézennec

Michel Vrignaud, Yves Roy se prend au jeu des recherches historiques. Ils commencent par tirer le fil des sauveteurs et explorent les registres de la SNSM vendéenne. « Quatre matelots regagnent la côte sur le canot. Le capitaine et le mousse restés à bord sont sauvés par le bateau de sauvetage », établissent-ils notamment.

Ils s’intéressent aussi à l’équipage. Le capitaine maître de cabotage est Jean Gourio, de Binic. Le second, Pierre Le Gallouedec, habite Quemper-Guézennec. Il y a deux matelots, Pierre-Marie Houard, de Plouha, et Hyacinthe-Joseph Guillot, de Binic ; un novice, François-Louis Basmaire, de Binic ; enfin le mousse, François Gourio, 14 ans, fils du capitaine.


L’équipage était constitué de six hommes, originaires de Binic et des environs. (Photo : association des amis du Musée d’art et traditions populaires de Binic)

Les Gourio, une famille de marins de pères en fils

Ces nouvelles recherches mènent Yves Roy et son épouse dans les Côtes-d’Armor au cours de cet été 2020. Avec le concours de l’Association des amis du musée d’art et traditions populaires de Binic, http://www.museebinic.fr/ il remonte la piste des marins du Stella-Maris.

À partir des éléments d’état civil, Catherine Languillat, secrétaire de l’association du musée, entreprend des recherches généalogiques sur les Gourio et leurs descendants, jusqu’en 1912 pour l’instant. « Les Gourio sont toute une famille de marins de pères en fils, sur plusieurs générations », raconte-t-elle.

Jean, le capitaine du Stella-Maris, a eu un frère, Malo, lui aussi maître de cabotage. Un autre de ses fils, Jean-Louis, a disparu en rade de Saint-Malo dans des conditions inexpliquées, alors qu’il était embarqué sur la goélette La Rosa commandée par… Jean Gourio père. Lequel périt lors du naufrage, en 1893, de La Citadelle, qui transportait du charbon entre Swansea et le Pays de Galles.

« Par ailleurs, poursuit Catherine Languillat, il y a peu d’éléments à Binic sur le Stella-Maris lui-même, hormis l’ex-voto qui se trouve dans l’église. Cette grande maquette de la goélette, portée le 15 août pour la procession de la mer date du début du XXe siècle. Elle a été restaurée en 1995 par Louis Bonny, des Cols-bleus de Binic (décédé en 1996). Cet ex-voto est le seul témoin de l’architecture et organisation du navire. Il peut comporter des erreurs mais c’est pour nous notre référentiel. »

Une mystérieuse dalle de marbre gît à 30 m de l’épave du Stella-Maris. (Photo : AVVS)

L’énigme de la dalle d’ardoise

Les recherches sur ces hommes de mer continuent. Mais une autre énigme occupe également Yves Roy : la présence, à 30 mètres de l’épave, d’une dalle d’ardoise d’1,5 tonne, longue de 2,60 m, large de 1,3 m, épaisse de 15 cm.

« Cette dalle a-t-elle un rapport avec l’épave ?, s’interroge le passionné de plongée. Provient-elle de carrières de Pays de Galles, de la région angevine ? Pour quel usage ? On note un rebord de 2 cm en périphérie, pas de gravures de ce côté. Nous ne l’avons pas retournée pour le moment. » Le Stella-Maris est loin d’avoir livré tous ses secrets.

Un projet d’exposition et de conférence au Musée

Toutes ces recherches pourraient donner lieu, l’été prochain, à une exposition et à une conférence à Binic. Un événement conjoint de l’AVVAS et l’Association des amis du musée. Ce serait l’occasion, pour le musée, de donner un nouvel éclairage au passé maritime de Binic, qu’il se voue à faire revivre à travers ses collections et ses expositions.

Mais pour mener à bien ce projet, l’association a besoin de renforts. « Nous aimerions étoffer nos équipes de bénévoles notamment pour des travaux de recherches comme celui-ci. Travaux que nous souhaiterions réaliser en ateliers », annonce Catherine Languillat, secrétaire de l’association


Le Musée d’art et traditions de Binic reconstitue des scènes illustrant passé maritime du port : ici, les veuves de disparus en mer. (Association des amis du musée d’art et traditions populaires de Binic)

Comme bien d’autres, l’association fait face au vieillissement de ses bénévoles alors que l’animation d’un tel lieu nécessite de plus de compétences techniques. Il va devoir, lors de sa prochaine assemblée générale, le 16 janvier 2021, renouveler son conseil d’administration, notamment des postes essentiels, comme celui de la trésorerie. L’appel est lancé auprès de personnes maîtrisant les outils de commination actuels et/ou pouvant assurer les visites de groupe.

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