Guerre de 1870. La Joconde trouve refuge en Bretagne

Pendant un an, entreposée dans une caisse, « La Joconde » de Léonard de Vinci est gardée à bord de la frégate « Hermione », dans le port militaire. | DR et Archives Ouest-France/Thomas Brégardis


Emmanuel BURLION.

Comme d'autres tableaux de maîtres, l'oeuvre de Léonard de Vinci reste un an dans le port militaire, pour échapper à l'armée allemande. Ils étaient entreposés sur une frégate.


En juillet 1870, la France entre en guerre contre la Prusse. Les institutions prennent des décisions rapides pour faire face aux conséquences du conflit. Les musées de Paris, notamment, doivent sauvegarder leurs riches collections de peinture et de sculpture.

Le 29 août 1870, Nieuwerkerke, directeur du Musée du Louvre, est convoqué par l'impératrice Eugénie, alors régente. Elle lui suggère d'évacuer une bonne partie des collections du Musée du Louvre, afin qu'elles ne tombent pas entre les mains de l'ennemi. Le nouveau lieu de sauvetage des œuvres n'est pas mentionné par écrit mais confié oralement à Nieuwerkerke : ce sera l'arsenal de Brest.

« Envoi au Gabon »

Aimé Félix Reynaud (1808-1876), préfet maritime de Brest, écrit le 2 septembre 1870 : « On débarquera les wagons de suite sur un chaland, ils seront hébergés sur l'Hermione. Cela ne passera pas par les magasins [...]. » Il avait en effet été décidé d'embarquer les œuvres sur un bateau pour les évacuer au plus vite, jusqu'à Rochefort, dans l'hypothèse où les Allemands seraient parvenus jusqu'en Bretagne.


Pour brouiller les pistes, les caisses destinées à protéger les œuvres portent une inscription « Envoi au Gabon ». Pierre-Paul Both de Tauzia (1823-1888), conservateur du département des dessins du Musée du Louvre, est désigné pour accompagner le convoi des œuvres jusqu'à Brest, par le chemin de fer. Il a la charge de prendre contact avec les autorités navales, d'accueillir les autres convois, et de garder les tableaux tant que durerait la guerre.

Les Noces de Cana, roulé

Près de 300 tableaux sont évacués vers Brest. Le premier convoi des oeuvres, composé de treize caisses, quitte la gare Montparnasse le 31 août 1870. Parmi les toiles qui partent lors de ce premier convoi, La Belle Jardinière de Raphaël, La Femme hydropique de Gérard Dou, Le Couronnement de la Vierge de Fra Angelico ou encore l'Infante Marie Marguerite de Velasquez.

L'oeuvre de Raphaël est alors considérée comme la plus importante à sauvegarder. La Joconde de Léonard de Vinci part pour Brest le 1er septembre, et ne fait partie que du deuxième voyage (en effet, la renommée actuelle de La Joconde ne date vraiment que du XXe siècle, au moment où elle fut dérobée le 22 août 1911). Les Noces de Cana de Véronèse est un tableau si grand, qu'il arrive roulé à Brest.

Intactes

À la chute du Second Empire, survenue le 4 septembre, l'évacuation des oeuvres est suspendue. Both de Tauzia reste alors seul à Brest, pendant un an, pour surveiller les oeuvres. Il n'existe plus beaucoup d'archives à Brest qui relatent cet épisode, sauf peut-être une lettre de Reynaud, datée du 7 octobre 1870, qui s'adresse au ministère de la Marine, et qui s'inquiète de la diminution des ressources financières de Both de Tauzia.


Il commence à s'impatienter, seul à Brest, mais avec les troubles de la Commune, il ne peut pas prendre le risque de revenir à Paris. Il faut attendre le 6 septembre 1871, pour que les plus beaux tableaux du Louvre quittent enfin Brest pour rejoindre Paris. Toutes les oeuvres reviennent intactes au musée.


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